Maurice Ravel

Maurice Ravel

Texte de Léo Ferré
Extrait du livre "La Musique souvent me prend... comme l'Amour"
Musique byzantine
...1954

Depuis ce jour de décembre 1937 où s'éteignait, frappé au chef et devant l'insuffisance médicale, celui que l'on peut considérer comme l'un des plus grands créateurs du XXème siècle, la musique a perdu la tête et les musiciens leur contenance. Qu'y a-t-il après Maurice Ravel ? Béla Bartok ? ... décédé en 1945 et dont on n'a pas encore fini de dénombrer les géniales vocalises. Stravinsky ? ... en sursis depuis fort longtemps... Honegger ? ... qui sait ! Il y a certes beaucoup d'autres musiciens, certains russes, tel Prokofiev, et puis toute une smala de musicastres qui fondent écoles et chapelles pour mieux s'épauler dans de petites salles de concerts, pour un très petit public et qui font beaucoup de bruit pour rien. Il y a aussi les professionnels du festival du coin où l'on va se gargarisant de fausses notes avec la complaisance du critique à la mode.

Il y a enfin les chercheurs, les polytechniciens de la clé d'ut qui inventent les langages de l'heure, enfants chéris des comités de la musique du monde entier où éructent de petits vieillards médiocres qui se sont fait un nom qu'ils sont seuls à connaître. Enfin, il y a le public qui aime ouqui n'aime pas. Il y a aussi quelquefois l'oeuvre qui passe par dessus toute cette marée immonde de la concurrence publicitaire, la musique, la vraie, celle qui chante, et qui dérange bien des consciences bureaucratiques ! Ravel, recalé au Prix de Rome, refusa de pénétrer à l'Institut de France. C'est bien le moins qu'il lui devait. Et l'Institut continue à distribuer chaque année ses Prix de Rome, sans jamais avoir eu l'idée de faire de Ravel un "Prix de Rome" posthume ! Il est vrai qu'il ne serait peut-être pas d'accord. Tant pis ou tant mieux. Le temps fait bien les choses et rend à César ce qui n'est qu'à lui. Tout le reste estlittérature y compris la nôtre, devant les chefs-d'oeuvre incontestés.

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