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Paroles et Musique de Léo Ferré
                    Les psaumes sont écrits sur les magnétophones
					Les chorus ont un nègre à chaque mélopée
					Les bouches font des langues sept fois retournées
					Miserere Seigneur du fond des microphones  
                   
					La nature d’acier pousse des fleurs chromées
					Le juste en Cadillac s’encense du cigare
					Le courrier meurt de peur dans les aérogares
					Miserere Seigneur du fond des destinées  
					 
		  
					 Le boulanger fout la tournée au pain azyme
				     Les moutons des prisons se laissent tricoter
					 Et le coq de saint Pierre a tranché son gosier
					 Miserere Seigneur du fond des anonymes 
				   
					 Les condamnés jouent au poker leur appétit
					 Et laissent au suivant leur part de Jamaïque
					 Le coup de grâce dans le vent est liturgique
					 Miserere Seigneur du fond des piloris 
					 
	  
					 L’estomac du commun se met en diagonale
					 Le traiteur donne au chien sa pitié tarifée
					 Les boueux ont glissé sur des peaux d’orchidée
					 Miserere Seigneur du fond des capitales
					 
	  
					 Les banques de l’amour sont pleines à craquer
					 Les je t’aime publics assomment les affiches
					 Et les adolescents ont des lèvres postiches
					 Miserere Seigneur du fond des oreillers 
					 
	  
					 Les vitrines regardent passer les voyelles
					 Les ortolans prennent le frais dans le coma
					 Et le saumon fumé boude le tapioca
					 Miserere Seigneur du fond de nos gamelles 
					 
	  
					Les femmes en gésine inondent le pavé
					Le mineur fait un blanc à chaque lavabo
					Et le souffleur de Baccarat fait des bancos
					Miserere Seigneur du fond des encavés 
					 
	  
					Les brebis de Panurge attendent au vestiaire
					Les visas escomptés percutent sur l’azur
					La queue chez l’épicier jouit contre le mur
					Miserere Seigneur du fond des muselières 
					 
	  
					La ville a dégrafé son corsage de mort
					Les balles dans la rue ont la poudre nomade
					Les pavés font la main aux yeux des barricades
					Miserere Seigneur du fond des Thermidors
					 
	  
					Les temples sont cernés et sentent le roussi
					Les magazines font la pige aux Évangiles
					Et les chemins de croix se font en crocodile
					Miserere Seigneur du fond des crucifix 
					 
	  
					Le journal titre en deuil la putain des frontières
					La fleur fane au fusil et meurt sous un drapeau
					Et les téléscripteurs nous mènent en bateau
					Miserere Seigneur du fond de nos galères 
					 
	  
					La maladie veille au chevet des ganglions
					Le cœur est métronome et la vie est musique
					À l’hôpital les symphonies sont catholiques
					Miserere Seigneur du fond des pulsations 
					 
	  
					L’apprenti sur le tour égrène son rosaire
					Le tueur de la rue a gagé son bifteck
					Et celui de Corée n’aura pas un kopeck
					Miserere Seigneur du fond des mercenaires 
					 
	  
					Le verbe s’est fait chair dans le ventre rusé
					La putain Marguerite a la peau qui dépasse
					Le caillot dans les plis sinueux se prélasse
					Miserere Seigneur du fond des pubertés 
					 
	  
					Les bourgeois de la rue ont piqué la vérole
					Et réclament partout de faux médicaments
					Qu’on leur sert en faisant claquer toutes leurs dents
					Miserere Seigneur du fond des Carmagnoles 
					 
	  
					Les sextants sont en grève au cœur des matelots
					Les oiseaux carburés fientent des équipages
					Le soleil fait la course avec le paysage
					Miserere Seigneur du fond des paquebots
 					 
	  
					La trouille a revêtu la terre de sa housse
					Le plat de contrition se vend au marché noir
					Le curé fait du supplément sous l’ostensoir
					Miserere Seigneur du fond de la rescousse
 					 
	  
					Les condamnés jouent au poker leur appétit
					Et vous laissent Seigneur leur part de solitude
					Le service est compris nous avons l'habitude
					Descendez donc Seigneur de notre connerie
 					 


 
 