Le mauve de tes yeux
Texte de Léo Ferré
Ah le mauve de tes yeux l'autre soir à Venezia dans le charme
De ces murs engloutis
Le parfum en allé de ce restaurant blême où tu me bus cul sec
Si l'on peut dire... Et la joie retrouvée dans la rue ma copine
Ces gosses s'en allaient clopinant des allures
De chef et de Passion surprise à la boutique de tes désirs perdus
De mes envies de carne en la pénombre à peine se frayant
Un chemin de paresse et de Mort
O vieille putain sale et tendre comme la brume quand je vais arriver
O l'idéale O la Conquise un peu sous de la chair minable
Un coup de vibraphone et je m'en vais demain
Un coup de tes reins doubles aux doublures qui passent
Dans la rue ces passants qui n'ont pas vu que suinte un peu
De tes lèvres trop basses de ces baisers bien trop imaginés
Devant la terreur de ce néant de merde et s'inventant des songes
Marins marins partis là-bas aux portes de secours
Chantant gueulant des chants comme des sources
Il y a dans ce pré de la mer des brebis bleues et chaudes
Ohé de l'entre-bise accordez vos sextants
Je voyais la Misère écartant les rideaux
Et dégueulant son Capital de rizotto à la Fédérale
C'était un phalanstère et je parlais chinois
Un chat passa réglant l'ordinateur sur midi
La rousse d'à côté avait des pâleurs tendres
A vous brancher mourant au jardin des supplices
Dans le rouge irisé de son as je m'explique
Et je pique du trèfle en léchant le carreau
Surpris voilé déjà de ta buée caprine
Moi le bouc constellé qui va et vient dans ta coursive
Je parle aux apprentis
Aux hanches de pain mouillé
Aux sextants de vos sexes à rechercher la Voie Polaire
Dans ce chaud de la ville à peine dégrafée
Sous des néons passant le cap de ta vue basse
Je parle aux anti-loi
A ceux qui dans l'anti font la jurisprudence
La cravate accrochée au poitrail
En leur disant que dans la négation il y a le faste
La raison d'espérer des parallèles jointes
L'énergie de leur cul au fronton des diamants
Inversement proportionnelle au mauve de tes yeux