LA VRAIE PORTE
NON D'UN DIEU,
NON D'UN MAITRE

Léo Ferré - La vraie porte

"Léo Ferré n'est pas "mort".Il n'a été rappelé par PERSONNE. Il est sorti, juste un moment par la porte du fond, discrètement pour ne pas déranger son monde :
tous ceux qu'il aime et qui le lui rendent, ou pas.

Juste une anicroche technique... des problèmes d'usure.
Il est allé consulter le Mécano de la Général ...qui a trouvé, depuis un certain temps, pignon sur rue peut-être, une rue sans fin, un sens unique, qui va Dieu sait où ?

Peut-être nulle part, au fond ?

Peut -être a-t-il buté quelque part au bord de ce chemin à issue étroite sur une extinction de voie ? Peut-être est-il allé, tout simplement, pour voir passer, "une saison en enfer" avec Arthur, avec ses "copains d'la neuille" ?

Tiens ! C'est vrai qu'il y a toutes les chances pour qu'il tombe sur François à un détour, là où il est allé se faire pendre ailleurs, ce Villon décrié, son "pote" qui l'a précédé là quelque part devant. Montant et malaisé il est, en tout cas, ce chemin qu'il a choisi de tracer, de suivre chez ses "frères humains" !

"Nous sommes d'un monde non édifié et que nous sommes seuls à parcourir"

Non ce n'est pas une voie royale, balisée à la César de croix et d'irréductibles cloués. C'est une voie caillouteuse, bordée de noblesse et d'insoumission, de beauté, d'amour et de colère, comme d'autant d'arbres qu'il aurait arrosés avec les larmes de son coeur, fait frissonner au souffle de sa pensée, grandis par la franchise de sa voix, berçés par la tendresse de ses mots, pliés au cri de ses idées.

Non, il n'est pas creux ce chemin qui l'a conduit parmi les hommes et sur lequel il a tout fait, gentiment, fermement, intelligemment, pour qu'ils l'empruntent avec lui, et pour qu'ils le pavent simplement de bonheur et de beauté.

Ceux-là, la trace de leur pas, aucun char ne pourra l'effacer, aucun vent de folie n'en dispersera la poussière : elle est à jamais figée comme une concrétion dans le calcaire, comme un fossile pour toujours imprimé dans la pierre.

Et c'est un bien, assurément, que cette révolution que Léo a semée, avec d'autres, le long de ces fossés, soit plus perpétuelle que le secrétaire de l'Académie Française.

Révolution, ça rime avec évolution ; il n'y manque que le "R" de la couleur ROUGE, celle qui n'appartient pas à un quelconque récupérateur politique, mais seulement au sang des hommes, qu'il ne faut plus verser.

S'il m'entendait (il n'est guerre loin) il se retournerait sur ce sentier, et me dirait, d'un sourcil étonné : " Mais alors, ça a marché ?. Ce n'est pas en vain que j'ai jeté ma graine d'ananar ! Vous comprenez enfin mon amour de l'Amour, la beauté de la Beauté, la douceur de la Bonté, le gout de la Liberté ?".

Et puis, il se retournerait, doucement, agitant sa main amie derrière lui, pour continuer d'avancer, avec sa chevelure de prophète. D'avancer encore, puisque c'est ce qu'il a toujours fait, mais heureux de n'être pas seul malgré sa solitude, apaisé de se savoir accompagné sur cette route qui mène immanquablement à l'Amour.

.../...

Léo-douceur, Léo-hurleur, rebondit sur tes pas : en arrière il y a un trou d'amour qui ne va pas : il est noir et il mange les rayons de la vie des pantins sans savoir.

Mais tu nous as déjà donné le Monde d'emploi.

Va Léo. Il y a encore de la route. On marche avec toi."

Ecrit sur un bout de chemin par un "pote" au copain des hiboux

"Per tutto questo il silenzio"

Extrait du magazine "LA PORTE FAVSSE"
Décembre 1993
Association "Trait d'Union"
58 avenue Saint-Augustin
06200 Nice
(Un grand merci à Patrick Dalmasso pour nous l'avoir envoyé)
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